I. 
Tome 2 - Ville de Glace 


« Oberon,
Montre-moi,
Les réminiscences d'un passé trop douloureux
Ces éclats ensanglantés
Ces sanglots déchirants et douloureux »






Ses pas se pressèrent dans les ruelles sombres. Depuis toute petite, Sophie était prise de migraine atroce, pour éviter la messe, elle avait donc fainter une crise. Ses parents l'avaient donc laissée à la maison, mais prise de remord, la jeune fille s'était habillée d'une parca et de son écharpe pour rejoindre l'église du village. Elle avait dû traverser quelques champs avant d'arriver près de l'église de Paimpont. Avec ses milles six cent et quelques habitants, le bourg s'élargissait sur des kilomètres sans âmes qui vivent. Sophie sentit son coeur s'accéléer à la vue de la porte de la maison abbatiale, elle avait honte d'avoir menti pour éviter le sermont endormant de la Prêtresse ; cette dernière était vieille et aigrie, elle passait son temps à mettre la jeunesse en garde contre des pêchés divers.

La jeune fille de seize ans poussa discrètement la lourde porte, se faufilla dans la corridor. Elle fronça ses sourcils en constatant le manque de lumières dans la sacristie. Normalement, la voix de la Prêtresse devait raisonner dans l'immense bâtisse glacée. Il n'y avait aucun son.
Elle s'avança lentement, les mains serrées au niveau de son coeur sur sa parca. Elle n'était pas particulièrement téméraire, la curiosité la poussait, généralement, plus vers les ennuis qu'une réelle envie d'affronter une quelconque autoritée. Elle ne s'était jamais sentie l'âme guerrière. Le vide dans l'église l'effrayait. Normalement, tous les habitants de la ville auraient dû se trouver sur les bancs de bois devant l'autel ; la Prêtresse aurait dû déclamer ses sermonts en son centre, les bras levés vers leur Déesse Dana ; et les fidèles auraient dû s'agenouiller pour prier avec elle.

Il n'y avait personne. Tout était vide. Pas un bruit. Pas un être vivant.
Sophie s'avança jusqu'à toucher de ses chevilles le bord de l'estrade menant à l'autel de la Déesse.

- Mais qui voilà, ricana une voix grave.

La jeune fille se tourna vivement, effrayée, mais il n'y avait personne. Elle scruta la pénombre, mal à l'aise.

- Bom ! Bom ! Bom ! Rigola l'homme toujours invisible. Ce bruit de coeur me met encore l'eau à la bouche.

Sophie recula d'un pas alors qu'une ombre tombait à deux mètres, à peine, d'elle, mais ses pieds percutèrent violemment l'estrade, elle se retrouva couchée sur celle-ci. Deux yeux blancs la firent hurler de terreur.

- Tu chantes bien petite, mais chante moins fort quand même, tu vas les réveiller.

Il pointa du doigt le haut de l'église. Accrochés au plafond, elle ne savait comment, les corps des habitants flottaient dans les airs en un mouvement circulaire.

- C'est joli, non ? Je trouve ça du plus bel effet.

- Comment ... Vous .. baragouina-t-elle.

L'homme eut un sourire sans joie.

- Moi, je ne suis responsable de rien du tout. Lui par contre ....

Sophie jeta un coup d'oeil derrière elle, un homme aux cheveux blancs se tenait dos à elle. Il paraissait manger quelque chose de particulièrement gros et juteux au vu de ses bruits.

La jeune fille se tourna vers le Père George, elle ne parvenait pas à croire que cet homme si bon ai pu se lier avec un tel monstre. Mûe par un éclair de courage venu du tréfond de ses instincts de survie, elle poussa le prêtre et traversa la sacristie. Sa poitrine se consummait, mais elle n'en avait rien à faire ; ses mains cognèrent contre le bois des portes principales, les ouvrirent ; ses pieds touchèrent à peine le sol mouillé qu'une poigne herculienne la catapulta des mètres à l'opposée de son salut.

- Cela ne sert à rien, s'extasia le prêtre face à l'immense voile couvrant le mur derrière l'autel de la Déesse.

Sophie gémit piteusement en voyant de face la créature responsable du massacre. Elle était humaine : un visage d'homme à la mâchoire carrée, aux yeux blancs bordés de cils épais, aux cheveux blancs encore soyeux ; son corps ferme et dégageant une puissance mortelle ; ses mains étaient aussi grandes que son visage à elle, il pourrait lui broyer le cou sans aucun effort.

La jeune fille déglutit difficilement, le son ne se propageait plus dans son cerveau ; elle voyait le prêtre s'adresser à la créature humaine, mais elle ne percevait pas le sens de ses mots. Ses yeux se levèrent vers les corps pendant misérablement, elle cru reconnaître la robe blanche de sa mère et les chaussures vernies de son père. Son coeur se déchira en milliers de morceaux agonisants.

Elle regarda le prêtre déchirer le voile derrière l'autel. Sans s'en apercevoir, des prières se  formulèrent dans sa tête. Elle n'était pas une fidèle dévouée, mais elle croyait sincèrement qu'il suffisait d'un bon coeur pour entrer au Paradis. La Déesse Dana saurait voir l'immensité de son amour pour les humains et les siens au sein de son âme, elle en était persuadée depuis qu'elle avait vu les larmes de la statut de la Déesse - de longs ruisseaux brillants qui avaient aider à guérir bon nombre de Sorcières et de Sorciers. La Déesse avait répondu à leurs prières quant une épidémie magique s'était mise à décimer toute la population de Paimpont.

Aucun cri ne sortit d'elle quand le Prêtre la força à se relever pour s'approcher du mur vierge. Le Mur des Prières de Dana.

- Comment avez-vous pu tuer votre propre épouse ? Chuchota-t-elle sans quitter le Mur de ses yeux clairs. Comment avez-vous pu oublier vos voeux Seigneur Amorgen ?

Le Prêtre se recula tandis que la créature la dévisageait sans réellement comprendre ce qui se déroulait. Sophie savait que cette chose était mi Magie mi Maléfice, elle pouvait presque le palper entre ses doigts.

Elle n'était qu'une adolescente, elle ne possédait aucune croyance réellement forte à part celle de savoir sa Déesse toute puissante en ce bas monde. Alors pourquoi se sentait-elle, tout à coup, investi d'une mission sacrée ?

- C'est impossible ! Tu n'es pas une Sorcière Primaire, même pas une Primales, prit peur le Prêtre qui la secoua brutalement par le bras gauche.

Sophie leva sa main libre, une lumière en sortit pour englober l'homme et l'éloigner de force.

- Mes enfants sont tous mes héritiers, intervint une voix féminine qui fit frissonner Sophie et blémir le traître.

La jeune fille n'avait pas besoin de se tourner pour voir la vie sortir du Mur des Prières. Elle sentait sa chaleur, elle percevait les émanations de Magie Pure et la grandeur de sa Déesse.

- Tu n'es plus digne de porter le titre de mon bien-aimé, George, décréta la divinité.

- Vous ... Vous me connaissez ?

Sophie fronça ses sourcils. Ne se rendait-il pas compte qu'Elle le chassait de leur monde ? Qu'Elle le condamnait à la mort ? Il paraissait subjugué, comme s'il avait attendu cette rencontre toute sa vie durant... Peut-être était-ce le cas ?!

- Je connais tous mes enfants, sourit Dana en s'approchant.

La Déese Dana était magnifique : sa robe marine recouvrait le sol tout autour d'elle ; des rubis parsemaient sa chevelure corbeaux ; un diamant de la taille d'un oeuf de cailles reposait sur son front pâle réhaussant la couleur limpide de ses yeux ; un voile pâle couvrait ses épaules et ses bras encerclés par une multitude de bracelets d'or et de pierres précieuses.

La Déesse ouvrit ses bras, le prêtre s'y engouffra, heureux. Sophie ferma ses yeux sous la force lumineuse qui envahi l'église. Quand Elle l'est rouvrit, la Déesse était seule face au monstre qui dévoilait une série de crocs luisantes de salives.

- Mon enfant, murmura-t-elle doucement. Tu as tant souffert, repose-toi !

La peau du monstre s'enflamma exactement là où la Déesse toucha sa peau. La créature continuait de fixer Dana alors qu'elle brûlait, à présent, de la tête aux pieds. Quand il ne resta qu'un petit tas de cendres devant les bords de sa robe, la Déesse fit un long mouvement vers les corps suspendus qui descendirent se poser sur le sol marbré. Sophie se précipita sur ses parents sans vie.

Certaines victimes étaient méconnaissables. La jeune fille se laissa à pleurer sa peur, sa souffrance et son désarroi le plus totale. Des mains chaudes et fines la pressèrent contre un corps doux et ferme. La Déesse Dana la berça longuement, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus pleurer tant la fatigue l'accablait.

- Tu vas partir, déclara la Déesse en la relevant tendrement. Tu vas partir là où tes pas te mèneront.

Les autres Sorcières et Sorciers te rejoindront là où tu seras. Et tu construiras une autre citée. Plus puissante et plus grande encore.
Sophie voulut protester, mais les doigts de la Déesse l'en empêchèrent.

- Ton Destin n'est pas ici, Sophie. Il est plus grand et plus lointain. Alors va et ne reviens pas sans mon accord.

- Mais, et tous ces gens ? Mes parents ?

La Déesse passa un collier en or sur lequel pendait un rubis en forme de goutte.

- Il te guidera. Pars !

Sophie s'inclina malgré son envie de désobéir, elle sortit de l'église dont les portes claquèrent dans son dos. Elle regarda, subjuguée, la glace recouvrir les murs extérieurs et former un dôme autour de l'édifice.

Les genoux de la jeune fille cédèrent sous elle. Un hurlement s'échappa de son corps. 

Elle était seule au monde.











 
 



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