IV. 
Tome 1 - Ville de Sang 

 

Il avait toujours trouvé les églises apaisantes. Pleine de ce silence qui ferait toujours défaut au monde. Torsten se tenait au pied de l'autel, le cœur gros. Il fixait la croix du Sauveur avec amertume.

- Tout ce que je veux, c'est un peu d'aide pour la sauver, souffla-t-il.

Il se détourna pour se laisser tomber sur une des nombreuses chaises, sa tête entre les mains.
Il n'y arriverait pas.
Il ne savait pas comment s'y prendre. Depuis qu'il savait que sa petite sœur, la chair de sa chair, allait devenir un monstre, il n'arrivait plus à penser clairement. Et ces voix dans sa tête le rendaient fou. Un grondement sinistre emplit son crâne.

- Tout ce que je demande, c'est un meilleur monde pour vivre avec elle, s'écria-t-il soudainement en relevant la tête vers cet homme crucifié et sourd à ses appels. Assez de pouvoirs pour un endroit en paix où elle serait à l'abri et Humaine.

« Il ne t’écoutera jamais. Tu n’es pas Humain. Tu n’es pas pieux… Il ne peut rien pour toi ! »

Il plaqua ses paumes sur ses tempes en hurlant.

- La ferme ! La ferme !

Il jeta un regard colérique à son Seigneur puis traversa l'église d'un pas rageur.
À qui croyait-il parler ? Il ne s'agissait que de marbres et de bois auxquels on avait donné une utilité humaine.
Il s'arrêta sur le parvis de l'église, l'air frais éclaircit ses pensées ombrageuses tandis que le soleil, haut dans le ciel, réchauffait ses membres glacés. Il déglutit difficilement.

«  C'est la meilleure des solutions. »

Il le savait, mais la décision restait importante et pénible à prendre. Il traversa la ville en regardant les gens, heureux ou moins, s'émerveiller devant des choses et d'autres.
Bientôt tout cela lui serait enlevé, mais au moins, il retrouverait sa raison de vivre. Heilin était sa petite sœur, sa chair et son sang, alors il ne pouvait pas se résoudre à laisser le destin lui jouer ce tour affreux.

Ce n'était pas un simple lien de grand frère à petite sœur, c'était bien au-delà. Il était son protecteur, il avait toujours veillé sur elle. Quand elle avait décidé de devenir Headhunter, alors qu'elle n'avait que onze ans, il s'y était engagé l’année précédente pour être certain qu'elle n'y risquerait rien. Elle lui en avait voulu, mais quand elle l'avait rejoint, ses yeux noirs s'étaient illuminés de fierté et d'amour. Il s'en souvenait encore avec émotion.
Six ans plus tard, il voulait revoir cette lueur. Il voulait retrouver ses yeux noirs plein de sentiments, ceux qui avaient jalonné sa vie jusqu'à maintenant. Il ne voulait plus tomber dans un gouffre de sang quand leurs regards se croisaient.
Torsten se laissa tomber sur le sable fin d'une plage artificielle construite au bord de l'Upper Bay. Les larmes envahirent son regard corbeau piqué de grenat qui deviendrait bientôt d'un blanc pur.

« Pour le pouvoir ! »

- Je sais, répondit-il à la voix qui sonnait gravement dans sa tête.

Elle était sa guide, sa délivrance. Elle faisait taire les grondements incessants qui emplissaient son esprit quand il s'y attendait le moins et qui le poursuivaient depuis déjà bien des années.
Trop d'années.

Il sortit son téléphone portable de sa veste. Les gens se promenaient en maillot de bain tout autour de lui, mais lui avait si froid.
Il ouvrit son portable avec des gestes mesurés, le cœur battant dans sa poitrine.

Devait-il le faire ?

L'hésitation lui broyait les entrailles. Il craqua sa nuque alors que le grondement retentit à nouveau en lui. Son pouce appuya sur la photo de sa cadette. Il approcha le téléphone de son oreille. Les sonneries lui mirent les nerfs à rude épreuve.




 



Créer un site
Créer un site