II. 
Tome 1 - Ville de Sang 

Helldown, appelé Manhattan il y avait de cela un peu moins de vingt ans, servait de refuge pour les Non-Humains, ou Wastes, des quatre coins du monde. À la base, cette île n'était qu'une solution temporaire pour calmer les esprits humains, mais finalement...
Heilin descendit dans les sous-sols où se trouvaient les locaux des Headhunters ouvrit un casier et attrapa son sac avec sa veste qu'elle revêtit. Elle sortit de l'immense bâtiment implanté de l'autre côté de Central Park. Le dernier lieu de verdures de l'île.
Manhattan n'était plus ce qu'elle était. À la place d'une ville pleine de vie où le soleil brillait du matin au soir, il y avait le brouillard, les buildings mangés par la pollution magique et humaine, les rues jonchées d'ordures ménagères, les égouts débordants par endroits, la drogue, la guerre, la famine et la corruption.
Helldown n'était rien de plus qu'un mouroir selon elle.
Si la Headhunter Corporation s'était implantée dans cet endroit, c'était uniquement pour leurrer les Humains. Ces derniers se donnaient l'illusion que les « Monstres » étaient tenus en laisse. Pourtant il suffisait de se pencher un peu sur la politique de la ville pour se rendre vite compte qu'en fait, il n'y avait qu'une personne qui tenait les Wastes d’une main ferme.
C’était Dageus Morrelli. Sa majesté le Dieu Odin.
Enfin, façon de parler.
Pour une raison qui échappait aux Humains, les Wastes s'appelaient par des noms de divinités gréco-romaines, hindoues, nordiques, celtiques, égyptiennes et tant d'autres. Ils se réunissaient tous sous une même bannière, pourtant : le Panthéon.
Heilin entra dans son appartement en soupirant. Elle avait acheté un loft juste devant le parc côté ouest sur la quatre-vingt-deuxième rue à proximité du Musée d'Histoire Naturelle. Elle appréciait le calme environnant, la vue sur les arbres et le réservoir de Central Park, un peu plus loin. Il lui suffisait, la nuit, de se poser sur le divan devant la porte-vitrée donnant sur une terrasse pour admirer le paysage et retrouver un peu de sérénité.

- Tu rentres bien tôt, lui lança un jeune homme d'un an plus vieux qu'elle.

À vingt-cinq ans, Matt Finigan était un jeune homme en pleine force de l'âge et les nombreuses cicatrices qui parsemaient son corps prouvaient clairement l'usage de cette dernière.

- Je te retourne la remarque, sourit-elle.

Les yeux de son colocataire s'éclairèrent d'amusement. Il se pencha au-dessus du divan noir sur lequel elle était assise et lui embrassa le front tendrement.
Un petit rituel entre amis.
Son unique ami quand elle y songeait. En tout cas, le seul en qui elle avait une confiance aveugle malgré sa condition.
Matt n'était pas qu'un jeune homme au physique avantageux avec ses cheveux châtain clair presque blonds, ses yeux bleus malicieux cerclés de blanc, sa peau bronzée par le soleil du midi et sa musculature de rêve.
Son cerveau était à la hauteur de sa plastique de rêve, il sortait d'une école d'ingénieur automobile et était aussi un Léopard-Garou appartenant au Clan de Nimrod en l'honneur de celui qui construisit Babylone et qui vainquit le premier roi Léopard. Il était l'un des deux Aloades de ce dit groupe. L'un des deux exécuteurs de leur dirigeante, Alpheus, appelée couramment Caelestis.
Heilin savait que les Léopards tiraient leurs appellations de la mythologie romaine. Ils étaient nés en même temps qu'elle. Chacun avait sa place et n'y dérogerait pas jusqu'à ce que mort s'ensuive.

– Ce soir, Alpheus nous a laissé quartier libre, lança-t-il en se dirigeant vers la cuisine à l'autre bout de la pièce.

Le loft était séparé par de hauts paravents noirs couverts de stries de couleurs différentes selon la pièce se trouvant derrière. Ceux de la cuisine étaient d'un blanc cassé qui tranchait net avec l'ébène de la cloison.
Matt revint dans le salon avec une assiette pleine de viandes saignantes. Au début, cette vue avait arraché des haut-le-cœur à Heilin, mais après quatre années de cohabitation, elle s'y était faite. À présent, le Léopard pouvait se promener avec de la viande crue sans qu'elle y prête attention. Il prit place à côté d'elle sur le divan et mangea en silence, admirant simplement la vue devant eux.
Un moment de pure complicité sans besoin d'échanger des banalités à pleurer.
C'était, sans aucun doute, pour cette raison qu'Heilin le supportait bien mieux que toutes ses autres connaissances.

- Ça te dirait une sortie ? finit-il par demander après qu'elle ait posé sa tête contre son épaule et qu'elle semblait prête à s'endormir.

Heilin adorait sentir la chaleur de Matt. Il y avait quelque chose de rassurant chez lui et pas seulement parce qu'il était un être surpuissant.
C'était quelque chose d’indéfinissable.

- Je dois retrouver du monde au Dead Cooking dans une heure, on y va ensemble ? bâilla-t-elle en s'allongeant sur le divan et en plaçant sa tête sur sa cuisse droite.

Elle sourit légèrement, les yeux fermés. Matt se rencogna dans le divan sans rien ajouter. Sa main parcourut les cheveux noirs ondulés d'Heilin démêlant les nœuds avec douceur. Un léger ronronnement s'éleva dans le salon ce qui fit sourire imperceptiblement le jeune homme. Il ne pouvait s'empêcher de trouver cette réaction hilarante en même temps qu’attendrissante. Il n'y avait qu'en sa compagnie que sa camarade laissait tomber ses barrières protectrices.

- Tu ne veux pas te changer ?

Heilin remua légèrement pour se mettre sur le ventre et ainsi permettre à Matt d'accentuer ses petits soins.

- Non, pas spécialement. Pourquoi ?

- Je me disais qu'on pourrait prendre un bain.
 
 



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